Stations alpines : les actifs résidentiels face au défi climatique

Stations alpines : les actifs résidentiels face au défi climatique

Immobilier - 16/09/2025

Pascal RECOULES

Expert en évaluation immobilière REV By TEGoVA Galtier Valuation

François CAILLE

Expert en évaluation immobilière MRICS RV Galtier Valuation

 

En partenariat avec la Lettre M² 

STATIONS ALPINES : LES ACTIFS RÉSIDENTIELS FACE AU DÉFI CLIMATIQUE.

Avec l’attribution des Jeux olympiques d’hiver 2030 aux Alpes françaises, l’État et les collectivités prévoient plus de 1,5 Md€ d’investissements. Une décision qui tranche avec la réalité climatique. Selon la Cour des comptes1, 70 à 80 % des stations françaises seront fragilisées d’ici 2050.

En Auvergne Rhône-Alpes, région qui concentre 112 stations de ski alpin, soit près de 70 % du total national, la pression climatique y redistribue déjà les cartes, tant sur le plan de l’exploitation que sur celui de la valeur immobilière.

1/ Enneigement en recul

Le réchauffement climatique touche plus fortement les zones de montagne (+2,1 °C depuis 1959, contre +1,6 °C en plaine – Cour des comptes, 2024). À moyenne altitude, l’enneigement a diminué de 20 à 30 jours (1990–2020), rendant non viables les stations sous 1 500 m. d’altitude selon le GIEC2. En Auvergne Rhône-Alpes, 30 à 40 % des stations sont concernées. Face à la baisse de neige naturelle, 42 % des pistes françaises sont équipées d’enneigement artificiel. Toutefois, son coût élevé (jusqu’à 120 000 €/ha et 30 % des charges d’exploitation) ainsi que sa forte consommation d’eau (1 000 à 1 400 m³/ha) fragilisent la rentabilité des stations. Certaines n’y survivent pas : Notre-Dame-du-Pré (Savoie) a fermé en 2023 faute de rentabilité, le 24 juin dernier l’Alpe du Grand Serre (Isère) a annoncé l’abandon du projet de reprise. Et ce, malgré une hausse de 30 % du chiffre d’affaires lors de la dernière saison. Les déficits et les effets du réchauffement ont ainsi eu raison de sa viabilité.

2/ Des stations sous pression

Le rapport de la Cour des comptes dresse une cartographie de la vulnérabilité des 163 stations analysées, dont 89 sont situées en Auvergne Rhône-Alpes. Il y recense de nombreuses stations fermées ou en cours de reconversion, avec un total de 168 friches touristiques à l’échelle nationale.

Les stations de basse altitude (<1 500 m.), comme celles du Vercors, de la Chartreuse ou de la Haute-Loire (ex. Col de l’Arzelier, Col de Porte), sont parmi les plus menacées. La majorité est classée à risque élevé, malgré quelques exceptions (Les Contamines, à 1 160 m., qui bénéficient d’une exposition nord et de vents favorables). Ces stations disposent encore d’un enneigement suffisant dans certaines conditions, mais leur situation reste incertaine. La fermeture de petites stations voisines et la concentration des visiteurs vers les plus grandes réduisent leur fréquentation.

À l’inverse, les stations d’altitude (>1 800 m.), comme Val Thorens, Tignes ou Les 2 Alpes, concentrent l’offre et attirent une clientèle internationale haut de gamme. Elles enregistrent une hausse de fréquentation (+6 % en 20243). Des investissements massifs (135 M€ pour le téléphérique Jandri aux 2 Alpes) renforcent leur attractivité, mais posent la question d’une surfréquentation : quotas à venir, tensions sur l’eau, gestion paysagère ?

3/ Les effets des fermetures

 La fermeture ou le déclin de certaines stations a un impact négatif direct sur l’immobilier local. À Notre-Dame-du-Pré (Savoie), fermée en 2023, les prix ont chuté de 20 % en un an, selon les agents locaux, avec une forte hausse du stock de biens invendus. À Seyne-les-Alpes (station du Grand Puy), la fermeture annoncée en 2024 a entraîné une perte de valeur de 10 à 15 %, notamment sur les résidences secondaires situées en pied de piste.

En Auvergne, au Mont-Dore, la fermeture partielle du domaine a provoqué une baisse de 15 % sur deux ans4 . Le Lioran, qui amorce une diversification vers le tourisme estival, affiche des prix stables mais avec une décote moyenne de 10 % par rapport aux stations d’altitude.

Ces baisses s’expliquent par la perte d’attractivité et l’incertitude sur la pérennité de l’activité hivernale. En parallèle, les stations de haute altitude voient leur immobilier s’apprécier nettement : à Val Thorens ou Tignes, les hausses atteignent +8 à +12 % sur trois ans, portées par la rareté foncière et la relative stabilité climatique. Nous observons, dans les stations de ski haut de gamme, une dynamique contrastée bien que toujours à la hausse : certaines, comme Val d’Isère, tirent leur épingle du jeu grâce à un domaine skiable reconnu pour la qualité de son enneigement et la diversité de ses pistes, répondant ainsi aux attentes d’une clientèle exigeante.

La prolifération des friches est également un indicateur de dévalorisation : près de 200 remontées inutilisées sont recensées en France, sans programme de reconversion.

L’avenir s’écrit avec moins de neige et une diversification des activités hivernales. Au-delà de l’effet vitrine des JO 2030, l’avenir des stations en Auvergne Rhône-Alpes dépend d’une transition structurelle vers un modèle quatre saisons et bas carbone. À défaut, leur attractivité et leur valeur patrimoniale risquent de s’éroder durablement. Autant d’éléments que l’expert en valeur immobilière prendra en compte dans ses conclusions.

 

1 Rapport publié par la Cour des comptes en février 2025 sur « Les stations de montagne face au changement climatique ».

2 GIEC : Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat.

3 Source : Xerfi.

4 Source : Notaires Locaux.